Antoine Patek, exilé polonais, horloger genevois.

patek Antoine Norbert Patek de Prawdzic: sa vie a été sereinement cadencée en heures de travail paisible dans un atelier d’horlogerie; elle a été bousculée lors de voyages pour des tractations commerciales.
Elle a aussi été ébranlée par les lourds coups du balancier des mouvements humains qui ont secoué l’Europe au XIXème siècle. Patek, le patriote, s’est généreusement investi pour la Pologne, son pays bien-aimé, qu’il a été contraint de fuir. Antoni Norbert Patek de Prawdzic  est né le 12 juin 1812 à Piaski près de Lublin, au sud-est de la Pologne. De son père Joachim nous ne connaissons que la date et le lieu de la mort: le 7 avril 1828 à Varsovie. Nous savons encore que sa mère était Anna Piasecka de Skoczylas. Nous ignorons tout de l’enfance d’Antoine, s’il avait des frères et des soeurs, quelles écoles il a fréquentées.
Le 1er mars 1828, Antoine n’a pas 16 ans, il intègre un régiment de cavalerie polonaise, à Varsovie.
La vie à Varsovie est malaisée: les Polonais après le partage de leur pays en 1795, étouffent à cause de leur assujettissement à la Prusse, à l’Autriche et surtout à la Russie. Le congrès de Vienne en 1815, après les défaites de Napoléon Ier, entérine les clauses du partage de la Pologne. L’arrogance du grand-duc Constantin, vice-roi de Pologne, représentant le tsar Nicolas Ier, n’a pas de limites. Les jeunes officiers, les étudiants, les intellectuels, ne supportent plus les humiliations des Russes, ils rêvent d’indépendance, ils se préparent à l’insurrection.     La révolution des 27, 28, 29 juillet 1830 à Paris qui détrône la dynastie des Bourbons, stimule cette volonté. Le 25 août, l’insurrection explose à Bruxelles qui veut se libérer de l’occupant hollandais. Nicolas Ier, craignant l’expansion des idées révolutionnaires, se prépare à envoyer  une armée polonaise pour juguler l’agitation belge. La décision est inacceptable pour les Polonais et l’insurrection éclate à Varsovie le 29 novembre 1830.

Le bataillon d’Antoine Patek se jette ardemment dans  la lutte.
La résidence du grand-duc Constantion est prise, puis l’Arsenal. Varsovie entière s’enflamme,  le mouvement gagne tout le pays.
Antoine est blessé à 2 reprises. Il est nommé sous-lieutenant, il reçoit la Croix d’Or du Mérite Militaire.
Les Polonais implorent l’appui de la France où leur cause est très populaire. A Paris on répète la chanson de Béranger: “ Aux Polonais, tout mon amour.”  Mais, le ministre Casimir Périer reconnaît l’impossibilité d’une intervention armée contre la Russie. Malgré un courage héroïque, les Polonais ne peuvent résister à l’importante armée russe .

Prise de l'Arsenal Le 8 septembre 1831, Varsovie, à demi-détruite par les bombardements, succombe. A Paris l’émeute gronde à la nouvelle de cette capitulation.
“L’ordre règne à Varsovie”: c’est le titre de cette lithographie de Granville. Le tsar caricaturé se dresse sur un paysage de gibets et de ruines et piétine des cadavres.
La répression en Pologne est terrible: ceux qui sont pris sont condamnés à mort, aux travaux forcés, leurs enfants envoyés dans des camps en Russie où ils mourront de faim et de maladie.
Frédéric Chopin est à Stuttgart lorsqu’il apprend le drame de l’écrasement de la Pologne. Il est bouleversé. Son étude révolutionnaire restitue avec génie, la violence du combat, l’héroïsme, la souffrance, le désespoir.
Cependant beaucoup d’insurgés s’enfuient vers l’ouest, vers  la France.
Antoine aussi réussit à s’évader.
Dans les grandes villes des états allemands se constituent des comités d’aide aux émigrés.
Antoine se voit confier la direction du comité de Bamberg: il s’acquitte énergiquement de sa tâche.
En France, La Fayette organise une assistance aux réfugiés polonais et en Amérique une vaste campagne de soutien est présidée par l’écrivain Fenimore Cooper.


L'ordre règne à Varsovie..


La gravure montre de riches Polonaises faisant don de leurs bijoux pour venir en aide aux insurgés.
Quant à la Pologne, elle perd ses dernières libertés et devient une province russe. 9000 Polonais, principalement des militaires, sont parvenus à quitter le pays.
Voilà Antoine en France. Il arrive à Cahors puis travaille à Amiens comme typographe dans une imprimerie. On lui parle de Genève comme d’une ville d’accueil pour les réfugiés. En effet Genève en 1830 est une cité cosmopolite très florissante. C’est un grand centre de joaillerie, d’artisanat d’art, d’horlogerie. Le développement de l’horlogerie à Genève date de 1540. Calvin interdisait le port des bijoux mais considérait la montre comme un objet utilitaire. En France, Charles IX ordonne le massacre des protestants: c’est, le 23 août 1572, l’horrible nuit de la Saint Barthélémy. Toute une population effarée quitte la France. Genève, la calviniste, accueille ces huguenots parmi lesquels se trouvent de nombreux horlogers. En 1601, l’ “Ordonnance et Reiglements sur l’Estat des Orologiers” régit la 1ère corporation d’horlogers  au monde. En 1690, l’horlogerie devient la plus importante activité de la ville.

Genève
Voici une montre avec indications astronomiques, fabriquée à Genève vers 1660.
Antoine Norbert de Patek est fasciné par ces montres de poche de très grande valeur: elles ont en effet nécessité le travail d’horlogers, d’orfèvres, de graveurs, de ciseleurs, de miniaturistes, d’émailleurs. Il s’émerveille aussi devant les objets finement décorés en émail, de motifs divers ou de miniatures.
L’utilisation  de l’émail pour l’ornementation de divers objets se pratique couramment à Genève. C’est Bernard Palissy qui découvre l’émail au 16ème siècle. Il est d’abord protégé par Catherine de Médicis pour qui il travaille. Mais en tant que huguenot, il est jeté à la Bastille où il meurt vers 1590. La peinture sur émail est utilisée en France vers 1630. De nombreux artisans émailleurs adoptent la religion réformée. Avec la révocation de l’Edit de Nantes, par Louis XIV  en 1685, les émailleurs français protestants,  se réfugient, eux-aussi, à Genève. L’émaillerie va parfaitement s’associer à l’horlogerie.
Antoine a des dispositions pour la peinture et suit des cours chez Calame, ce peintre paysagiste et graveur genevois, pour qui Ingres avait une grande admiration.
Puis Antoine passe quelques mois à Paris: il s’y intéresse à la création et à la fabrication de montres, à leur finition artistique. A Genève, encouragé par ses amis, il achète des mouvements de montres, les fait garnir de boîtiers et accorde une attention particulière à leur décoration. A sa grande joie, il trouve facilement des acquéreurs.

Tabatière de 1800

-Il rencontre François Czapek, d’origine tchèque, né en 1811, en Bohême, naturalisé polonais. Lui aussi a participé à l’insurrection de novembre 1830, comme soldat de la Garde Nationale; lui aussi a été contraint de fuir les persécutions; lui aussi a émigré à Genève. François Czapek est un horloger de grand talent: il a appris son métier à Vienne et à Prague; il a créé le régulateur de précision. Le 22 octobre 1836, François Czapek fait son entrée dans l’horlogerie genevoise en épousant, à Versoix, Marie, fille de l’horloger Jonas Pierre François Gevril de Carouge.
Antoine est catholique, très pieux et pratique la charité selon les préceptes religieux. Patriote, il reste profondément attaché à la Pologne; il n’oublie pas les terribles jours de l’insurrection, puis de la fuite en exil. Aussi dès qu’il le peut, il vient en aide aux réfugiés polonais. Il participe à la création d’une fondation polonaise dont il devient le trésorier en 1839.
Antoine Patek et François Czapek s’associent et créent, le 1er mai 1839, la firme Patek Czapek et Cie, sise quai des Bergues n° 29 à Genève.  6 ouvriers travaillent à l’atelier. François Czapek  s’occupe de la partie technique et Antoine Patek de la partie commerciale.
Le 10 juillet 1839, Antoine épouse à Versoix, Marie Adélaïde Elisabeth Thomasine, fille du commerçant français Louis-Charles Denizart. La firme connaît rapidement le succès. Les 2 associés ont en commun le goût du travail bien fait, ils aspirent à la perfection: perfection technique et perfection artistique. Les mécanismes des montres sont insérés dans des boîtiers d’argent ou d’or, décorés de motifs réalisés en émail. dont l’utilisation est généralisée chez les horlogers genevois.-
Les premières montres sont décorées d’effigies de patriotes polonais: en effet de nombreux acquéreurs sont des aristocrates polonais. Des portraits,  des scènes bibliques sont aussi représentés. En un an, l’atelier fabrique 200 montres.
La joie de la naissance de Boleslaw Joseph Alexandre Thomas Patek, né le 16 juin 1841, ne dure pas. L’enfant meurt le 18 septembre 1841.

  Ce document du 29 mai 1843, signé du syndic du canton de Genève, confère à Antoine Patek la nationalité suisse.
Antoine poursuit son oeuvre en faveur des réfugiés polonais: il a  à coeur de participer en  mai 1844 à l’installation de la bibliothèque polonaise avec une salle de lecture. Il désire maintenir parmi les exilés cette culture qui lui est chère et qui est interdite dans son propre pays. Il recommande encore aux Polonais de Genève de coopérer avec le Fonds d’Emigration Polonais et avec la Bibliothèque Polonaise de Paris: à plusieurs reprises il sollicite le soutien du prince Czartoryski, lui-même exilé, qui  a  organisé  une  vie   culturelle  pour    les    émigrés polonais de Paris, parmi lesquels se trouvent Frédéric Chopin et les poètes Adam Mickiewicz et Juliusz Slowacki. ntoine  présente ses montres à l’exposition de Paris.
    Il est fort intéressé par l’invention de Jean Adrien Philippe dont voici le portrait. Jean Adrien Philippe est né en 1815 non loin de Paris. Il apprend l’horlogerie dans l’atelier de son père, se  perfectionne chez des maîtres horlogers en France et en Angleterre. Il fonde une petite fabrique de montres et invente la couronne de remontoir,  invention à laquelle personne en France ne prête attention. La  montre de poche de Philippe est très mince, elle est remontée et mise à l’heure sans clé. Ce système est génial, il va permettre un progrès gigantesque à l’industrie horlogère. La clé pour remonter et mettre à l’heure était un système peu sûr et surtout peu pratique.
Antoine rencontre Jean Adrien Philippe et les deux hommes sympathisent immédiadement.
Depuis plusieurs mois un différend oppose Patek à Czapek.
Czapek s’absente souvent pour se rendre en Pologne et en Bohême et néglige son travail.  En 1845, leur association prend fin après avoir fabriqué 1120 montres. Czapek monte sa propre entreprise à Genève et concurrence Patek.
Antoine sollicite Jean Adrien Philippe pour la création d’une nouvelle société. Celui-ci ne se fait pas prier. La collaboration et l’amitié entre Antoine Patek et Jean Adrien Philippe dureront toute leur vie. Le 15 mai 1845 naît la société Patek et Cie dont les membres fondateurs sont Antoine Patek, Jean Adrien Philippe et l’avocat Vincent Gotkowski. Gotkowski n’est pas qu’un simple actionnaire: il contribue à l’expansion de l’entreprise par son excellente connaissance du droit et du monde des finances. Le siège est à Genève au n° 15,  quai    des Bergues. L’atelier fabrique des montres avec clé, des montres sans clé, avec le remontoir inventé par Jean Adrien Philippe. On trouve sur les montres des inscriptions en polonais.L’ornementation avec des motifs polonais se poursuit car de nombreux acquéreurs sont Polonais: pour eux, les montres Patek ne sont pas que des objets utiles; elles symbolisent aussi la Pologne.
En 1846, l’émigration polonaise à Londres, offre une montre Patek à lord Dudley Stuart, ami et défenseur des réfugiés polonais en Angleterre. Cette montre suscite l’étonnement et l’intérêt des connaisseurs et artistes de Londres.
Antoine persévère dans ses activités patriotiques et  adhère à la société démocratique polonaise de Lyon. L’espoir de l’indépendance est ancré dans tous les coeurs des réfugiés.
En 1846, éclate une insurrection à Cracovie contre l’Autriche, puis la Galicie, une province du sud-est, se soulève. A Paris l’insurrection de février 1848,  renverse la monarchie: la 2ème république est proclamée. Cette révolution a son contre-coup dans toute l’Europe. L’Europe en 1848 s’enivre du printemps des peuples qui désirent réaliser soit leur  unité, soit l’indépendance nationale. Les ouvriers se lèvent contre les bourgeois, les paysans réclament leur émancipation, partout le régime parlementaire est revendiqué. Des émeutes éclatent à Berlin, en Hongrie, en Italie, à Vienne d’où Metternich doit s’enfuir. En Pologne une pétition est envoyée au tsar pour exiger la liberté de parole, l’accès à la fonction publique pour les Polonais, l’enseignement du polonais dans les établissements scolaires. La révolte gagne toute la Pologne. Des Polonais émigrés montent sur les barricades des grandes villes européennes: Paris, Vienne, Berlin, Prague, Budapest, Dresde.
  Antoine est envahi par un grand espoir: l’Europe va se libérer des oppressions, tous les hommes seront libres, heureux; et la Pologne va recouvrer son indépendance. Il se rend à Francfort sur le Main et y  propose  le  6  mars  1848, la convocation du parlement polonais en exil.Mais dès 1849, une réaction générale met fin à ces essais de révolution libérale ou nationale. Les révoltes sont écrasées par l’armée, une répression très dure est exercée contre les insurgés, dans tous les pays.
Antoine assiste désespéré à l’échec du printemps des peuples.
En 1850 la firme Patek réalise un bénéfice de 9300 FS.
Le 1er janvier 1851  débute la 3ème étape de l’entreprise. Elle s’appelle maintenant Patek Philippe et Cie avec les 3 mêmes associés: Antoine Patek, Jean-Adrien Philippe et Vincent Gotkowski. Les montres sont faites à la main mais l’entreprise utilise aussi des pièces fabriquées à la machine dans le même atelier. Un nouveau bâtiment de l’autre côté du lac est acquis: il porte l’inscription  “manufacture d’horlogerie Patek Philippe.” La firme doit lutter contre les nombreux concurrents genevois qui produisent, eux aussi des montres de grande qualité et remarquablement décorées. Il faut rechercher de nouveaux marchés en Europe.
A l’exposition universelle de Londres en 1851, Antoine Patek a la joie de voir ses montres achetées par la reine Victoria et le prince Albert.
Patek songe maintenent à un marché américain et s’embarque en 1854 pour les Etats Unis.


Pendentif pour la reine Victoria

Le couple Patek, Antoine et Marie, mène une vie laborieuse et paisible. Un seul élément manque à leur bonheur: un  enfant. Ils ont été terriblement éprouvés par la mort de leur bébé. Marie n’espère plus devenir mère. Mais un miracle se produit: elle est enceinte, à 39 ans. Et le 18 juillet 1857 naît Léon Mieczyslaw Vincent.
Antoine nage dans le bonheur. Il décuple son activité.
Les montres Patek Philippe portent depuis 1858 un numéro à 5 chiffres.
La liaison ferroviaire France Suisse facilite les déplacements. Car l’expansion de la firme en Europe devient une nécessité à cause de la concurrence des autres firmes genevoises. Antoine, qui a un sens aigu des affaires, entreprend une série de voyages en Europe pour ouvrir de nouveaux marchés, pousse jusqu’à Saint Pétersbourg.
Ses lettres  racontent les fatigues, les privations et quelquefois même les dangers qu’il a dû surmonter. Il s’arrête aussi à Varsovie et très ému, retourne dans son pays natal près de Lublin.
Une nouvelle joie vient éclairer  la famille. Marie à 41 ans est de nouveau enceinte: elle donne naissance, le 23 octobre 1859 à Marie Edwige.
Quant à l’entreprise, elle compte en 1860, plusieurs dizaines d’ouvriers.
Mais les affaires polonaises reviennent occuper l’actualité: elles sont inquiétantes. Dès 1860 des troubles agitent les campagnes à cause du mécontentement des paysans. Les Juifs qui représentent un dizième de la population désirent leur assimilation. L’idée d’indépendance resurgit avec plus d’acuité. Car l’espoir  est permis : le tsar Alexandre II se montre libéral, l’opinion internationale est favorable aux Polonais.
Le 8 avril 1861 lors d’une manifestation, l’armée russe tire sur la foule. Et toute la Pologne en deuil revêt des vêtements noirs et pleure les cent personnes assassinées pendant la manifestation. Le 22 janvier 1963 l’insurrection explose dans toutes les villes polonaises. Cette fois-ci, des Italiens, des Français, des Hongrois, des Allemands accourent, nombreux, pour soutenir les Polonais sur les barricades. Le pape Pie IX intervient en faveur de la Pologne.
L’armée russe se montre impitoyable, la révolution est écrasée, la répression est particulièrement cruelle avec des arrestations en masse, des condamnations à mort, des déportations de familles entières en Sibérie.
Le peintre Malczewski exprime d’une manière poignante les souffrances des déportés. Mais de quoi discutent les deux personnages centraux? Leurs visages sont graves, réfléchis. Pensent-ils déjà à un nouveau soulèvement, mieux préparé?
La russification est ignoble: la langue russe, la religion orthodoxe sont implacablement imposées. Une germanisation    despotique s’abat sur l’ouest du pays.
Ces évènements accablent Antoine Patek. Il se démène pour aider les nouveaux réfugiés  qui ont réussi à fuir la police du tsar. Il ne ménage  pas sa peine, il ouvre grande sa bourse. Le pape Pie IX le remercie  pour son oeuvre et lui attribue le titre de comte.
Par contre son entreprise lui donne de grandes satisfactions et le bénéfice dépasse  les  200 000 francs suisses en 1873. Vincent Gotkowski quitte la compagnie en 1876 et ouvre sa propre entreprise. 3 techniciens de la maison deviennent les nouveaux associés MATEJKO Antoine Patek est mort le 1er mars 1877, âgé de 65 ans: il est enterré au cimetière de la Châteleine. 57 000 montres ont été confectionnées par l’entreprise Patek Philippe durant la vie d’Antoine.
La compagnie ne s’est pas éteinte avec le décès d’Antoine.
En janvier 1878,  un gendre de Jean Adrien Philippe prend la direction de la firme.
Léon Patek, le fils d’Antoine, est un associé.
En 1891, Joseph  Emile Philippe, un  fils de Jean Adrien, remplace son père au poste de directeur technique.
Jean Adrien Philippe décède en 1894.
Le 1er février 1901, la firme subit une importante modification juridique: elle devient la S.A. Patek Philippe., au capital de 1 600 000 FS. Elle compte 7 actionnaires.
Joseph Emile Philippe décède en 1907. Son fils Adrien, c’est-à-dire le petit-fils de Jean Adrien, prend la direction de la société en 1913. Il est le dernier représentant des membres fondateurs.
La crise économique mondiale de 1929 met la firme dans une situation financière précaire. L’entreprise est rachetée par les frères Charles et Jean Stern, propriétaires de la fabrique de cadrans  Stern  frères.
Actuellement la firme appartient à la 3ème génération des Stern. Cette famille a conservé l’idéal de perfection technique et artistique des fondateurs de la compagnie.
    Antoine Norbert Patek de Prawdzic: il est un exemple pour les hommes.
Car enfin il est arrivé démuni de tout à Genève. Son sens artistique, son intransigeance qui lui faisait rejeter toute médiocrité, sa volonté d’atteindre la perfection, son goût du travail, son honnêteté, son patriotisme, sa générosité  ont contribué à sa réussite professionnelle, lui ont acquis l’estime et de ses compatriotes suisses et polonais et de tous ceux qui l’ont côtoyé.
Les montres Patek Philippe sont-elles des objets de  luxe? Sans doute. Leur prix très élevé, justifié par les heures de travail minutieux des artisans, les matériaux précieux utilisés, ne les rendent accessibles qu’à des personnes très fortunées, encore faut-il qu’elles aient le pouvoir de s’émerveiller devant une parfaite technique de précision et devant la fine beauté de la décoration.
Mais ces montres, ne sont-elles pas surtout des oeuvres d’art, au même titre que des tableaux de grands maîtres; ne sont-elles pas aussi un magnifique témoignage des vertus et du génie de l’homme?
 


Actuellement la firme Patek Philippe continue à fabriquer des montres de poche décorées en émail. Elle présente aussi des montres-bracelets de haute précision, avec des boîtiers en métal précieux, à la ligne sobre, fort élégante, des montres dont la série est limitée.
Léon Patek, le fils d’Antoine est un personnage important pour Thonon et Evian. C’est lui qui en 1889 -1890 organise des fêtes mondaines et sportives qui attirent de nombreux touristes à Thonon. En 1892, il fonde la 1ère société des eaux de Thonon avec colonel comte de Foras et Monsieur Jacquier ingénieur en chef des ponts et chaussées, faisant de la ville une  station balnéaire. Il accepte d’en être pour 1 an, le président du conseil d’administration. Il conseille à des parents et amis d’établir  leur résidence d’été à Thonon ou d’y devenir propriétaires. Il est le collaborateur puis le successeur du prince de Brancovan, le père d’Anna de Noailles, pour l’organisation et la présidence des fêtes nautiques d’Evian. Pendant 25 ans , il est à la tête de toutes les oeuvres charitables et humanitaires de la région. Il ne fait pas de pas de politique mais est le trait d’union entre des partis opposés. En 1899, il est naturalisé français par décret spécial du président de la République. Il est un membre fondateur de l’office du tourisme de Thonon.