Itinéraire d'un exilé

de Lublin à Thonon

Conférence en cours de mise en page

 

Les polonais sur tous les fronts

Voici une lecture bien différente de celle que nos manuels nous ont appris. Un peuple écrasé qui refuse la déroute...

D’EUROPE ET D’AFRIQUE DU NORD  
La chanson militaire dit: “mon âme est remplie de joie, nous montons au combat.”
Elle reflète l’enthousiasme d’Adek Wosko qui enfin va combattre les nazis. Adek Wosko est le père de Wanda Floret-Wosko, la présidente de notre association.
Le 1er septembre 1939 la Pologne est assaillie à l’ouest par les Allemands. L’URSS est alliée à l’Allemagne.
Le 17 septembre, l’armée soviétique pénètre, par l’est. La Pologne est occupée.

Mais les Polonais n’acceptent pas la défaite. La Pologne a été le seul état en lutte depuis le 1er jour de la guerre, c’est-à-dire, le 1er septembre 1939, jusqu’au dernier jour, le 8 mai 1945. Quatre armées polonaises se sont constituées hors du pays, et une armée clandestine a combattu à l’intérieur du territoire, malgré son occupation. Au total 2 millions de Polonais ont pris part aux combats.
Ce nombre permet d’affirmer que la Pologne était la 4ème armée alliée, après celles des Etats Unis, de l’URSS et de la Grande Bretagne. Les soldats polonais étaient engagés dans toutes les armes: infanterie, artillerie, aviation, marine.

Qu’en est-il des opérations militaires en Pologne en 1939?
Un million de Polonais encerclés sont opposés à plus de 2 millions d’ennemis. Mais l’immense faiblesse de la Pologne provient  de l’insuffisance de son armement. Les 500 chars et les 400 avions paraissent bien dérisoires à côté des 7200 chars et les 5200 avions allemands et russes.

Pourtant, Allemands et Russes se heurtent à une résistance héroïque et subissent des pertes non négligeables. Quant aux pertes polonaises, elles sont énormes. Dès la fin de septembre 1939, dans une Pologne anéantie, une armée clandestine se met en place. Elle se manifeste par de nombreux attentats et sabotages.
L’armée clandestine parvient à libérer des détenus et entreprend même des campagnes de subversion dans l’armée allemande. L’ensemble des services secrets polonais composé d’agents secrets, de scientifiques et de techniciens, est très actif et fort efficace. Ses espions sont infiltrés partout. Le centre de coordination se trouve à Londres. Dès le 25 juin 1939, donc avant le début des hostilités, il transmet à l’Angleterre et à la France des pièces précieuses: c’est le système de codage allemand. Les alliés peuvent comprendre les messages allemands et prévoir leurs opérations militaires. Un autre exploit du service, c’est en mars 1943, la localisation à Pennemunde des usines de V1 et V2 : les Britanniques les bombarderont les 17 et 18 octobre.
La fusée V2, téléguidée et chargée d’explosifs est une machine de destruction qui a causé des ravages terribles en Grande Bretagne.
Et déjà en 1942,  les services secrets polonais avaient fourni aux alliés, des rapports sur les camps de concentration: hélas, aucune suite n’a été donnée à ces dramatiques informations.
Des armées polonaises se forment hors de Pologne. Le commandement suprême est assuré par le général Sikorski qui  négocie avec les alliés et surtout avec Churchill et Staline. Il rencontre les armées polonaises dans leurs campements. En France, à Coëtquidam près de Rennes  se regroupent des militaires polonais: ils arrivent par la Lithuanie et la Lettonie, d’autres passent par la Roumanie, ou comme Adek Wosko par la Hongrie.
Si Adek Wosko s’était fait prendre par les Allemands, il aurait été envoyé à Auschwitz, si c’étaient les Russes qui l’avaient attrapé, il aurait été assassiné à Katyn, en tant qu’officier (faut-il rappeler le massacre par les Russes -qui ne l'ont réellement jamais reconnu- de plus de 11000 officiers polonais, c’est-à-dire de l’élite polonaise, à Katyn, au printemps 1940?).
En Syrie, Etat sous administration française, se constitue la fameuse brigade des Carpathes. Il s’agit d’un corps d’élite formé de militaires  aguerris qui avaient participé aux combats en Pologne, puis à Narvik dont nous parlerons plus loin.
La France signe l’armistice avec l’Allemagne le 22 juin 1940. Une partie de l’armée polonaise, implantée près de Rennes, détruit le matériel militaire dont elle dispose et s’infiltre par le sud pour rejoindre des alliés. L’autre partie, et ce fut le cas pour le bataillon d’Adek Wosko, après avoir stoppé l’avancée allemande sur le Doubs, se réfugie en Suisse où les militaires, consternés, sont internés. Il était quasiment impossible de s’enfuir de ces camps. La frontière était étroitement gardée tant du côté suisse que du côté allemand. Les évasions n’ont été possibles qu’en 1944, probablement avec la complicité de personnes résidant en Suisse. Une adhérente de notre association, Pierrette de Malherbe, infirmière en Suisse pendant la guerre, était un relais dans un réseau de résistance: elle affublait les candidats à l’évasion de plâtres, de pansements et les faisait passer vers Lyon dans une ambulance, de façon presque légale. Ces Polonais rejoignaient la résistance française puis l’armée française en (re)formation.
En mai 1940, une brigade de chasseurs polonais rejoint les alliés et s’illustre elle aussi à Narvik.
Les Polonais ont participé à la bataille d’Angleterre enfuis de leur pays occupé ou émigrés polonais vivant en France, qui après la défaite, ont voulu continuer le combat contre les nazis. Une photo montre un Polonais en uniforme britannique. Sur son calot est épinglé l’aigle polonais. L’insigne de la Royal Air Forth figure sur le revers du blouson. Ce jeune homme est le frère d’Anne-Marie Cieslak.

Les aviateurs polonais se conduisaient de façon particulièrement téméraire pendant leurs missions. Les divisions polonaises ont abattu plus de 1 000 avions allemands. Les croix peintes sur leur avion indiquent le nombre d’avions allemands abattus.
La marine polonaise participe à la bataille de l’Atlantique. En 1939, 3 contre torpilleurs et 2 sous-marins polonais ont réussi à fuir et à gagner les côtes anglaises.
Les Polonais combattent aux côtés des Anglais et des Etatsuniens. En 1940, ils sont à Narvik. Ils aident à l’évacuation des troupes anglaises à Dunkerque. Ils se montrent très efficaces pendant le débarquement de Normandie en 1944. Ils collaborent avec les alliés à la chasse du Bismarck, le plus grand croiseur de la marine allemande. La marine polonaise à elle seule a coulé 12 bâtiments dont 5 sous-marins allemands.
L’héroïsme des Polonais s’est aussi manifesté dans les combats sur terre. “Ils marchent les soldats, ils marchent. Nous marchons vers la Pologne à travers le monde entier.” Le texte de cette chanson résume parfaitement l’engagement de l’infanterie et de l’artillerie polonaises, sur tous les fronts d’Europe et d’Afrique du Nord.
Après la défaite humiliante de la France, la brigade des Carpates quitte la Syrie. En août 1941, elle prend part à la terrible bataille de Tobrouk et en 1942 elle lutte dans le désert libyen. Après l’agression de l’URSS par les Allemands, les Russes se rangent enfin du côté des alliés et un accord polono-russe est conclu. Staline consent à la libération des militaires polonais emprisonnés dans des camps qui égalent en horreur les camps de la mort nazis. Les plus abominables se situent dans le Kolyma aux terrains aurifères.
Une invraisemblable épopée va se dérouler. Le général Anders, lui-même libéré dans un piètre état d’une prison russe, forme une armée de plus de 75 000 hommes qui arrivent des camps dans un état lamentable. “Ils n’avaient ni bottes, ni chaussures. Tous étaient vêtus de guenilles. Ils ressemblaient à des squelettes. Ils étaient couverts d’abcès” écrit Anders dans ses Mémoires.  Cette armée manque d’officiers: ils avaient été assassinés à Katyn. L’URSS ne coopére pas, livre insuffisamment de nourriture. Anders réussit après des tractations épuisantes à évacuer les soldats. Il n’oublie pas leurs familles car les Russes déportaient dans les camps, les militaires et leurs femmes, leurs enfants, leurs parents. Anders fait sortir 110 000 personnes. C’est infime, écrit-il, par rapport au million 500 000 déportés polonais en URSS. L’expédition arrive malgré d’énormes difficultés en Iran, puis en Irak où les troupes reprennent des forces. A partir de décembre 1943, l’armée d’Anders, est capable de combattre. Elle est envoyée en Italie avec la brigade des Carpates. Les troupes polonaises arrivent d’Egypte à Tarente, en Calabre. Ce sont les Polonais qui, le 18 mai 1944, prennent le cloître du mont Cassin où, sur un bastion qui domine la vallée, sont installés les canons allemands. Le drapeau polonais flotte sur le mont Cassin.  Le cimetière polonais de Monte Cassino témoigne des pertes énormes subies par l’armée d’Anders.

L’armée d’Anders est envoyée sur l’Adriatique. Après des combats meurtriers, elle délivre entre autres, Barletta, Pescara, Loretto, Ancône, et elle entre à Bologne. C’est ensuite le débarquement en Normandie. Les Polonais combattent aux côtés des Canadiens. Ils remportent après des combats très durs, la victoire de Falaise. Ils continuent leur avancée vers le nord, délivrent Abbeville, Saint Omer. Ils entrent en Belgique, libèrent Ypres, puis Gand. Ensuite c’est la Hollande : ils chassent les Allemands de Breda. Enfin ils achèvent leur marche victorieuse en prenant le port allemand de Wilhemhaven.
Décidé par les alliés, le tragique parachutage des Polonais à Arhnem s’est soldé par un massacre de jeunes soldats. Quelques rares parachutistes polonais arrivent en vie au sol près d’Arnhem.  Sur le front oriental, en URSS, la présence polonaise se manifeste également. Les militaires de la division Kosciuszko sont encadrés par des officiers russes. En octobre 1943, ils subissent de lourdes pertes en Bielorussie. Ils  échouent sur les bords de la Vistule, près de Varsovie. Ils montent à Gdansk, à Stettin, délivrent la côte balte. Ils plantent le drapeau polonais à Berlin. Ils engagent la bataille à Dresde. En mai 1945, ils entrent en Tchéquie.

La Pologne a connu l’enfer pendant la guerre: c’est le pays qui a le plus souffert. Les alliés ont reconnu à maintes reprises l’importance de l’engagement des Polonais. Ils ont honoré leur héroïsme, vertu légendaire polonaise. Ils ont affirmé que la Pologne faisait partie des Etats vainqueurs.
Mais les Polonais n’ont pas été invités aux défilés de la victoire à Londres et à Moscou. Leur victoire était amère. Et le gouvernement mis en place après la guerre était à la solde de l’URSS.